"T'as d'la chance, tes enfants ils aiment lire!"
Quand, samedi dernier, je suis allée à la Comédie du Livre, il y a une autre rencontre que j'ai faite et dont je ne vous ai pas parlé sur le coup mais qui, après quelque jours de réflexion, mérite, à mon sens, d'être abordée. Mon fils faisant la promotion du livre qu'il a coécrit a à ce titre abordé une dame qui a trouvé le projet absolument génial, si bien qu'elle en a même pris un second exemplaire pour une amie à elle, directrice 'école dans un autre département. Nous avons échangé quelque minutes et puis la phrase que j'entends si souvent est tombée comme un couperet: "Vous avez bien de la chance, moi, ma fille, elle a seize ans et ne lit jamais. Elle me dit que c'est parce que je ne lui ai jamais lu d'histoires quand elle était petite. C'est vrai, je ne lui en ai pas lu beaucoup, mais vous comprenez, je travaillais, on rentrait à 19 heures, je n'avais pas le temps". Alors, qu'on m'entende bien, loin de juger les mamans qui travaillent, ce genre de remarques me conforte dans mon choix d'être mère au foyer aussi longtemps que mes enfants ne seraient pas autonomes et surtout, que non, je ne suis pas "sans activité" comme tendent à le sous-entendre tous les questionnaires où l'on me demande mon métier et ce que je leur apporte aujourd'hui est bien plus utile et irremplaçable que tous les impôts que je ne pourrai payer à cet état.
Cela dit, cette question de"chance" d'avoir les enfants qui lisent. Et bien non ma chère dame, la chance n'a absolument rien à voir là-dedans: si j'ai effectivement la chance d'avoir quatre enfants magnifiques et en bonne santé, même si l'on tient compte de leur précocité intellectuelle grâce à la quelle ils n'ont pas un bon nombre de problèmes rencontrés généralement lors des apprentissages (rassurez-vous, ils en ont d'autres que les petits camarades n'ont pas!); leur amour de lecture n'est absolument pas une question de chance mais le fruit d'un travail mené depuis des années. La dame avec qui je parlais était par exemple fort surprise d'apprendre que j'ai quatre enfants et que tous les soirs, chacun d'eux a droit à une histoire différente, adaptée à son âge et ses intérêts. Ainsi, on commencer le coucher avec le papa qui lit T'choupi au Deuzans, pendant ce temps moi je mets un pyjama et je lis une histoire au Cinqans (un album qu'il choisit ou que je choisis pour lui), vient ensuite le tour du Septans (en ce moment, on lit chaque soir deux chapiters du Magicien d'Oz) et enfin, quand tout les petits sont couchés, je prends le temps de lire dux chapitres avec mon grand qui a dix ans: et oui, à son âge et malgré son excellent niveau de lecture, nous lisons encore ensemble l'histoire du soir (un roman; en ce moment c'est Le prince des nuages). De cette manière j'associe pour eux le moment de lecture à un instant de plaisir, un moment de partage, le câlin de fin de journée. Aussi, je leur offre des livres à toutes occasions: pour les Noëls, pour les anniversaires, ils sont sûrs de trouver des livres parmi d'autres cadeaux et ce même s'ils suscitent moins d'enthousiasme lors du déballage que d'autres cadeaux desquels ils peuvent jouir d'une façon immédiate. Il m'arrive aussi de faire des sorties à la librairie avec eux sans occasion précise sinon le début des vacances par exemple, et les laisser choisir ce qu'ils veulent (d'où un certain nombre de livres que je ne leur aurai pas forcément pris de mon plein gré.. mais cela fait aussi partie du jeu et surtout, cela me permet de les observer et de noter les affinité pour tel ou tel autre style d'ouvrage). Nous n'avons pas la télé en libre service: contrairement à d'autres parents plus méticuleux que moi je ne l'ai pas (encore) délogé de notre chez nous; en revanche je ne la laisse jamais allummée "pour une présence", je sélectionne très scrupuleusement ce que mes enfants regardent et je limite le temps passé devant. La console, elle, est quelque chose de très exceptionnel.
Mes enfants possèdent leur propres livres. Bien qu'il nous arrive d'aller à la médiathèque pour découvrir de nouveaux ouvrages je trouve important d'avoir une vraie bibliothèque à la maison. Les petits aiment la routine, il est rassurant pour eux de savoir ce qui va se passer dans l'histoire et de pouvoir anticiper; pour cela ils ont besoin de relire un même livre plusieures fois; il arrive parfois qu'un album adoré et délaissé ressorte de l'oubli... et suscite toujours le même enthousiasme. Aussi, avoir ses albums préférés à disposition permet à l'enfant de les feuilleter et de se remémorer l'histoire à chaque fois qu'il en a envie. Certes cela a un coût, mais au fond, est-ce tellement plus cher que des toupies ou des cartes à collectionner qui se perdent et finissent invariablement à la poubelle? Par contre, inscrire à la bibliothèque un enfant plus grand et qui a déjà le goût de lire est tout à fait bénéfique et faire faire des économies de place et d'argent!!
En fait, associer dans l'univers de mes enfants le livre au plaisir et inculquer l'amour de la lecture a été une priorité pour moi dès le plus jeune âge de mes enfants: mon aîné a eu ses premiers livres avant un an: il regardait les images et tournait les pages cartonnées, mâchouillait les coins parfois. Toujours est-il que le livre est un objet dont il a l'habitude quasiment depuis la naissance! Ainsi, à 18 mois il a été très demandeur d'histoires: et à chaque fois, patiemment, nous avions lu et relu les aventures du petit canard à la recherche de sa maman, de Caillou découvrant le pot, des aventures de Oui-oui (à cette époque j'étais moins exigente quant à mes choix, faute de connaissance dans le domaine de la litterature pour jeune enfant et faute de moyens aussi). Quand est venu l'âge pour lui d'apprendre à lire, il n'a manifesté aucun intérêt pour des histoires: "de toute façon ça ne sert à rien, ce n'est pas vrai!!": alors, nous lui avons fourni nombre de documentaires qu'il a dévoré... et en parallèle, j'ai acheté des petits romans, que je lui ai d'abord lu moi-même, puis l'ai incité à lire. Et puis, il a découvert la série Chair de Poule - aucun intérêt à mon sens, sinon celui de lui faire enfin aimer la fiction!! Là seulement il s'est mis à dévorer les livres, chaque tome en deux jours tout au plus. Et puis au fil des semaines, il s'est rendu compte que les histoires étaient à peu près toutes pareilles et que le langage était pauvre, mais entre temps il avait découvert le goût de lire! Quand il a entendu parler d'Harry Potter il m'avait demandé de lui acheter... et il a gobé les sept tomes l'année précédant ses neuf ans!! Aujourd'hui je n'ai plus besoin de l'inciter à quoi que ce soit, c'est lui qui vient me voir et me dit "maman, je n'ai plus rien à lire!!"
Mon second c'est un autre cas de figure: s'il a parlé très tôt (vers 18 mois) et a été un grand fan des histoires et documentaires en tout genre, en revanche il a eu un peu de mal à se lancer à lire soi-même. Après réflexion, je pense que cela a été du au fait qu'il y a eu un décalage entre son niveau de lecture et de compréhension: il manque de confiance en lui et n'ose pas forcément prendre les gros pavés du grand frère mais il ne veut pas non plus "s'abaisser" aux histoires de bébé qui ne l'intéressent plus. Et puis, piège de l'enfant précoce, il a tellement habitude que tout se donne facilement à lui qu'il se laisse porter et ne fournit aucun effort si on ne le lui demande pas expressement. Or, la lecture, lors de son apprentissage, en est un même pour un enfant qui a des facilités. Nous lui avons acheté nombre de documentaires sur les dinosaures dont il est grand fan mais j'ai pu assez vite me rendre compte qu'il se contentait de regarder les belles images et déchiffrer juste une toute petite phrase par-ci par là, sans aller plus loin. Alors, tout en continuant de lire avec lui le soir et de lui fournir ses beaux documentaires, j'ai du le "forcer": "Je ne veux plus te voir traîner sans rien faire à la maison: tu prends un livre et tu lis". Sauf que cette consigne était encore beaucoup trop vague pour lui et laissait place à l'interprêtation. Alors, j'ai moi-même pris sur l'étager le premier tome de Cabane Magique - qu'il avait adoré en lecture commune- et qui, par chance, parle justement d'un voyage au temps des dinosaures et je l'ai obligé à en lire un chapitre par jour. Il a un peu râlé au début mais il s'y est fait assez rapidement. Puis, de lui-même, il est passé à deux chapitres par jour. Hier je l'ai surpris avec le troisième tome qu'il a entamé de lui-même sans que je ne lui demande quoi que ce soit! Gagné!! :)
Mon troiz, c'est encore un peu plus compliqué: lui, c'est le genre d'enfant incapable de rester tranquillement assis pendant plus de trente secondes. Il a parlé très tard (vers trois ans, bien qu'il comprenait parfaitement et était capable d'exprimer à peu près n'importe quoi... dans son propre charabia). Les lectures quand il a été bébé n'ont absolument rien donné: il n'arrivait pas à se concentrer ni écouter: il gigotait, sautait, tirait les pages, coupait la parole, criait... bref, du temps perdu à priori... en fait non, pas tant que ça! Car petit à petit il a réussi à suivre des livres très courts et aux illustrations très colorées, et aussi, à force de lui présenter des histoires très différentes nous nous sommes rendus compte que sous ses apparences d'une brute c'était un vrai coeur d'artichaut!! Ainsi, l'un des premiers livres qu'il a adoré c'était Le petit Clown et la Ballerine, si bien qu'il nous l'a demandé pratqiuement chaque soir, durant des mois!! Aujourd'hui, il aime des histoires d'animaux, d'amour, tout ce qui est plein d'émotion. Qui l'aurait cru! Et aussi, il veut apprendre à lire! D'ailleurs, à cinq ans, sans méthodologie particulière et juste avec du travail de cinq minutes par-ci par-là il est déjà capable de déchiffrer pratiquement toutes les syllabes et aussi des mots quand on l'aide à les partager en syllabes!
Le quatrième, deux ans et demi, est un grand fan de T'choupi. Nous en avaons cinq différents et il les connaît par coeur, si bien que quand je lui demande de ME lire ses histoires il est capable de les paraphraser en s'aidant des images! Il découvre aussi d'autres histoires petit à petit, notamment, il aime Perdu? Retrouvé! avec son texte court et ses superbes llustrations. Rien n'est gagné encore, mais je pense que nous sommes en bonne voie...
Si je vous parle de toutes ces particularités de chacun de mes enfants c'est aussi pour mieux illustrer que l'amour des livres n'est pas inné et que pour l'inculquer le parent doit, parfois, "s'accrocher" malgré les déceptions quand tous ses efforts ne semblent mener à rien. Si votre enfant n'aime pas lire, loin de donner des conseils, je me permets toutefois de proposer quelque pistes de réflexion:
- Quand, comment et à quelle occasion votre enfant a-t-il découvert les livres? Cet objet fait-il partie de son quotidien? En a-t-il suffisamment?
- Prenez-vous le temps de lire avec lui au quotidien? Et quand il vous demande de lui lire, vous montrez-vous enthousiaste et disponible?
- A quoi la lecture est-elle associée dans sa tête? Est-ce un plaisir partagé, la découverte, le rêve, ou bien une obligation scolaire barbante qui l'empêche de jouer à sa DS ou de taper dans la balle?
- Qu'aime-t-il? Qu'est-ce qui l'intéresse? Les livres dont il dispose sont-ils très diversifiés de par leur forme et contenu afin qu'il puisse choisir suivant ses affinités? Sont-ils beaux à voir, à toucher?
- Quelles sont les autres activités dont il dispose et qui pourraient le détourner de la lecture car plus faciles et plaisir plus immédiat? Regarde-t-il beaucoup la télé? Possède-t-il une console?
- Et vous, est-il important pour vous qu'il lise? Vous a-t-il déjà vu avec un livre? Possèdez-vous une bibliothèque de livres que VOUS aimez? Les enfants fonctionnent beaucoup par mimétisme...
Et oui, autant d'efforts au quotidien... mais le résultat en vaut la peine, non?