Tu enfanteras dans la douleur...

2 février 2017

Tu enfanteras dans la douleur...

Contrairement à ce que le titre de ce billet laisse entendre, celui-ci ne parle pas du tout de l'acccouchement au naturel mais de l'acquisition d'un bon niveau de français. Le parallèle pourrait surprendre sans doute, mais après tout, accoucher des idées, savoir les énoncer clairement et les mettre par écrit sans fautes de grammaire c'est aussi faire acte de création. Et apprendre cela ne se passe parfois pas sans peine. C'est en tout cas, curieusement, cette phrase-là qui m'est venue en tête en premier quand j'ai voulu vous parler de l'apprentissage du français de mon Neuvans.

Voyez-vous, voilà deux ans que nous sommes en homeschooling, et le chemin a été long et tortueux pour arriver à un travail convenable de sa part.

Petit, s'il avait parlé correctement très tôt (sujet-verbe-compément), il avait en revanche eu beaucoup de mal à organiser sa parole de façon à la rendre facilement compréhensible à son interlocuteur: quand il racontait une histoire, celle-ci, par exemple, commençait toujours par un pronom et n'avait généralement ni queue ni tête, si bien qu'il était assez difficile de suivre son récit. Ensuite, alors qu'il allait à l'école, je m'étais alarmée du décalage entre son niveau de lecture et celui de son intelligence par ailleurs: lui qui avait compris de lui-même le calcul des nombres relatifs à l'âge de sept ans peinait à déchiffrer une page dans un livre!

Lorsqu'il avait été déscolarisé, en CE1, je m'arrachais les cheveux devant l'ampleur du chantier. En particulier en constatant que son frère de deux ans plus jeune était capable d'orthographier les nouveaux mots et avait un niveau de lecture plus fluide que T.! Du reste, mon fils manquait cruellement de confiance en lui, hurlait "je n'y arriverai pas" dès qu'un exercice lui semblait un brin difficile. J'ai eu toutefois le sentiment que le problème n'était pas le niveau de difficulté mais plutôt un manque de confiance en ses capacités, j'avais donc pris le taureau par les cornes et fait le choix de le basculer directement sur du CM1 de La librairie des écoles pour le "réveiller". Au départ, j'avas toutes les raisons de douter de mon choix: il passait des heures sur un même travail en regardant par la fenêtre, peinait à se concentrer, pleurait souvent, s'est endormi une fois sur son cahier,.. J'en étais même venue à envisager une dyslexie, tant l'acquisition de l'écrit était laborieuse et peu concluante! Plus d'une fois j'avais envie de tout lâcher, de le laisser libre de ses apprentissages pour ne plus massacrer sa confiance en lui en revenant encore et toujours sur quelque chose qu'il n'arrivait pas à faire.

Et puis, le déclic s'est produit: une fois, alors qu'il était de bonne humeur, il a été très étonné de remarquer qu'il avait réussi à finir tout le travail avant la fin du temps imparti! De cette expérience, il avait compris qu'il était capable de travailler vite et bien. Quelle joie et quelle fierté pour lui comme pour moi, quand il avait enfin réussi à écrire une dictée (préparée!!) sans fautes, terminer son premier livre! Aujourd'hui, il n'est pas encore un expert en grammaire ni un lecteur acharné, mais il n'est certainement pas moins bon qu'un autre enfant du même âge. Au contraire.

Une fois cette coquille de peur brisée, il s'est trouvé que mon fils était, dans le fond, un enfant très "scolaire": il n'a pas le grain de folie de ses frères violonistes, mais il est méticuleux et organisé, il ne brûle pas les étapes mais progresse tranquillement et régulièrement, applique scrupuleusement la méthode et respecte les consignes - souvent, il est vrai, à la lettre - ce qui lui permet de construire des bases solides malgré un démarrage difficile et plutôt lent. Cette année, c'est lui qui m'a demandé de sauter encore une année en français et basculer directement sur un niveau sixième. Très partagée, j'ai choisi de le suivre, et le résultat a été posiif dans l'ensemble.

J'avais sélectionné, pour cette année, un manuel de grammaire pour les exercices et puis le très connu Terre des lettres pour les textes.

En plus des deux manuels, nous avons utilisé la compilation des dictées CE1/CE2/CM1/CM2 de La Chouette que nous avons quasiment terminée maintenant, je donne aussi régulièrement un verbe à conjuguer, et depuis un mois nous avons introduit la lecture - narration le matin avant le début des "cours".

Premier constat: lui qui n'était pas lecteur pour un sou avait déjà rencontré la quasi-totalité des textes du manuel Terre des Lettres, mais il a du mal à répondre aux questions par écrit: cela lui prend beaucoup trop de temps; nous avons donc mis pour le moment ce manuel de côté.

Deuxième constat: le manuel de grammaire l'ennuie, il connaît la quasi-totalité des règles qui y sont abordées, l'a déjà presque terminé sans y avoir appris grand-chose. Sinon le fait qu'il ait écrit, beaucoup écrit ( à contrecoeur, certes..), ce qui lui a donc appris à écrire plus vite, à faire plus attention en recopiant les mots inconnus, à tenir son cahier propre. Et c'était loin d'être gagné d'avance.

Troisième constat: en seulement un mois de lecture-narration les progrès à l'oral sont flagrants; il a une excellente mémoire et restitue tout dans les moindres détails, il comprend parfaitement les textes lus (la difficulté du premier constat ne vient donc que du manque d'habitude à poser ses idées par écrit)

Forte de ces constats, j'ai décidé de modifier nos objectifs pour la seconde moitié de l'année. a partir de février donc, nous rangeons Terre des Lettres dans le placard jusque l'an prochain: inutile de nous acharner dessus. Et nous virons également l'autre manuel: il n'apporte plus rien depuis longtemps. A la place, j'ai choisi l'excellent Grammaire Française du XXIe siècle (merci Yolaine!) avec son livret d'exercices niveau sixième. Ce manuel est fort bien fait: toutes les notions y sont, de la sixième à la troisième: les explications sont claires et appuyées par des exemples. Le livret d'exercices est très rempli: pas moins de 670 exercices proposés pour la sixième dans lesquels nous pourrons piocher au gré des besoins. Seul bémol: les thèmes des chapitres ne correspondent pas entre le manuel et le cahier, mais on contourne facilement cet inconvénient lors de la préparation des cours (il suffit de se noter les pages correspondantes...). J'apprécie la qualité des textes: souvent, des phrases extraites des ouvres littéraires; toujours riches et au vocabulaire varié (prévoir un dictionnaire à proximité..)

Je complète ceci avec un le Bled 600 dictées collège. Ce sont essentiellement des phrases pour la dictée quotidienne, elles sont très simples, aussi Septans se joindra à son frère pour les écrire en début de chaque cours et ce sans préparation. Pour les dictées plus élaborées et préparées, je pense piocher plutôt dans les livres que nous avons lus: cela fait toujours plaisir de retrouver de vieux amis.

A côté de cela, nous allons continuer la lecture-narration aussi souvent que possible (le matin nous lisons actuellement un excellent recueil des mythes grecs trouvé dans un vide-grenier dont Neuvans et Septans doivent faire la narration juste après la lecture, le soir, actuellement, c'est James et la grosse pêche de Roald Dahl et là je demande de rappeler ce qui s'était passé la veille avant de commencer à lire) et accorder un soin particulier à l'expression écrite sous toutes ses formes, le genre de travail qui continue à mettre Neuvans dans sa coquille jenyarriveraipasiste. Il y arrivera, comme il avait réussi à dépasser ses craintes face aux exercices de grammaire. Tous les prétextes seront donc bons pour le pousser à s'exprimer par écrit (quand bien même cela fait pousser des "oh nooon" au principal interessé!) comme par exemple le livre du lecteur que j'ai mis en place et où il doit faire le résumé de ce qu'il a lu seul ou écouté en lecture offerte, ou encore des photos et des paysages à décrire, des histoires à imaginer...

Globalement, je suis plutôt contente de nos résultats dans cette matière. C'est toujours un peu trop lent à mon goût - le résumé des fiches de lecture demande d'y revenir trois jours de suite, et ce sans même parler des illustrations, mais c'est tout nouveau encore, je pense que les choses s'arrangeront au fur et à mesure que l'habitude de ce genre de travail sera prise.

Enregistrer